Briseurs de rêve

À quelques minutes de la finale entre l’Allemagne et l’Argentine, retour sur l’équipe allemande de football, ces « briseurs de rêve ».

Cele fait plusieurs semaines que cette expression trotte dans ma tête, et que je répète à l’envie à chaque nouvelle victoire allemande. L’équipe allemande de football a vaincu successivement l’Algérie, la France puis le Brésil, et s’apprête à battre l’Argentine. À chaque fois, l’équipe germanique casse l’élan d’un peuple qui croit en sa renaissance. L’Algérie se référant au passé glorieux de son équipe de 1982, BAM 2 – 1 pour l’Allemagne. La France rêvant d’un nouveau 1998, BAM 1 – 0 pour l’Allemagne. Victoire « petite » et frustrante, mais suffisante. Et le Brésil, n’en parlons pas, organisateur de la Coupe du Monde, pays du football, se voyait déjà hisser la coupe, se prend la plus grande raclée de son histoire, BAM BAM BAM 7 – 1 encore pour l’Allemagne, du jamais vu. À chaque fois, le pays défait se réfère à un âge d’or, ce qui rend la déception d’autant plus grande. Les pays perdants – l’Algérie, la France, le Brésil – vantent les mérites de créativité, d’inventivité, de passion, de courage, autant de valeurs et compétences que les Allemands n’ont que faire et réduisent à néant par l’organisation, le jeu collectif, l’efficacité, leur professionnalisme.

Le drame brésilien
Le drame brésilien

Je ne suis pas venu ici parler de football, je ne m’intéresse que sommairement au jeu, et ne suis pas légitime pour en parler en tant qu’analyste. Je souhaite parler ici de politique, voir même de géopolitique. Il est assez surprenant de voir des hordes de supporters s’attacher d’un amour fou aux footballeurs qui gagnent, puis de les haïr quand ils perdent. Prenez par exemple la sélection nationale brésilienne. Puis les différences de traitement sont assez frappantes. L’équipe de France au début de cette compétition avait soulevé des foules, tandis que bizarrement personne ne célébrait l’Allemagne, sauf peut-être les Allemands. Pire, l’Allemagne semble toujours ramenée à son passé nazi funeste, et/ou à sa domination économique en Europe. Parler foot, coupe du monde, n’est pas anodin, car pour faire court : vaincre l’Allemagne reviendrait à vaincre le nazisme et l’austérité. L’Allemagne est le pays dominateur, les autres se battent pour la liberté, l’amour, la passion. Même le jeu allemand est analysée au travers du prisme des avantages supposés du système économique et industriel allemand : la rigueur, l’efficacité, le timing. C’est du Bosh, donc c’est du solide, pour plagier la pub. Ce qui est intéressant est que la mobilisation des stéréotypes va très loin. Quand la France domine, c’est la France des Lumières, de la science, une France grandiose, porteuse de libertés. Quand l’Allemagne domine, fini le romantisme et niaiseries des jours heureux, il n’y a que la brutalité de sa domination, qui laisse bien souvent place à la critique.

On aurait grand tord de tomber dans ces raccourcis faciles. La finale qui oppose l’Allemagne au pays argentin n’est pas la confrontation du pays de la rigueur contre celui de la liberté et de la passion. À y regarder de plus près, les Allemands sont les Brésiliens de cette coupe du monde, et montrent un voir un jeu sublime et inspiré, quand les Argentins défendent bec et ongles et ferment le jeu. Pas d’inspiration, de génie créatif de la part des Argentins qui ne sont pas l’ombre d’un Maradona. L’Allemagne, en foot comme en économie, joue un rôle de stigmatiseur, elle ne fait que montrer du doigt nos propres faiblesses. Trop simple et commode pour nos politiciens comme nos entraîneurs de rejeter la faute sur les Allemands, d’en faire le bouc-émissaire idéal. Si la France et les autres pays perdent contre l’Allemagne (en foot comme en économie), c’est avant tout de leur propre chef, de leur incapacité à créer réellement une dynamique du changement, impulser des réformes, travailler pour retrouver les heures de gloire. Les Allemands n’y sont pour rien, on devrait les remercier…

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